"Le projet des Routes de la soie s’accompagne d’un déploiement d’infrastructures numériques en Eurasie. Les algorithmes chinois sont également disséminés à travers la planète en prenant appui sur les chantiers de villes numériques et de nombreux logiciels. La démultiplication de ces outils de collecte de données personnelles permet à la Chine d’influencer et d’anticiper les comportements individuels et collectifs, et crée un soft Power numérique particulier qui sera analysé dans cet article.
Les technologies numériques ont été analysées fréquemment dans les sciences sociales, avec des interprétations diverses qui ont fait surgir rapidement deux lignes prépondérantes d’analyse. La première interprétation en fait des outils d’émancipation citoyenne (Shirky, 2009), lorsque la seconde y voit la mise en place d’outils de surveillance et de possibilités novatrices de répressions mobilisables par les États (Morozov, 2011). Les technologies numériques ont également généré de très nombreuses publications sur les restructurations et les promesses de la digital economy. Il faut dire que l’idée de développer l’économie à travers des réseaux numériques a été avancée dès 1961 lors du 12e Congrès du Parti communiste de l’Union soviétique (Stamboliyska, 2017 : 9) et a débouché sur des écosystèmes idéologiques divers, allant d’un capitalisme de surveillance (Zuboff, 2020) dans lequel les entreprises privées spécialisées dans le secteur numérique surveillent les comportements des individus pour transformer leurs besoins et vendre des produits, à un autoritarisme numérique (Glasius et Michaels en, 2018). Le « capitalisme rouge chinois » (Žižek, 2012) est une forme particulière d’autoritarisme numérique dans lequel la vassalité des entreprises privées vis-à-vis de l’exécutif reste la norme, menant de fait à un régime d’autocratie numérique (Kendall-Taylor et al., 2020 : 104)..."
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Le soft power chinois à l’heure des algorithmes
CQEGHEIULAVAL, 03/06/2021
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